Lecture analytique de La maison du berger d'Alfred de Vigny

Publié le par Maxime

 

 

Commentaire sur La Maison du Berger de Vigny

Introduction :

 

Vigny n'a écrit qu'un seul poème d'amour et c'est la Maison du Berger, un des plus beaux poèmes romantiques, long de 336 vers, le plus long du recueil des Destinées.

Les destinées est un recueil de poèmes d'Alfred de Vigny paru à titre posthume. Après avoir composé Paris, en 1831, et dès le début de sa liaison avec Marie Dorval, Vigny délaissa le genre poétique pour s'adonner aux formes variées de l'écriture dramatique et romanesque. Il ne retrouva la pratique des vers, en trois vagues successives, qu'au terme de sa rupture avec l'actrice. De l'été 1838 à l'hiver 1843-1844, Vigny rédigea successivement six poèmes : La Mort du Loup, La Colère de Samson, Le Mont des Oliviers, La Flûte, La Sauvage, La Maison du Berger. Ce sont ces textes qu'il est convenu de dénommer poèmes de la campagne académique, car Vigny les composa alors qu'il essayait de se faire élire à l'Académie française. Une mise en scène dramatique de la pensée constitue le scénario du recueil, et semble avoir accaparé toute l'énergie de la fin de la vie d'un poète rongé par la maladie. Ceci explique le pessimisme général et la tonalité si grave d'un recueil qui fait de l'espérance raisonnée.
Nous allons nous intéresser au poème La Maison du berger. Dans ce poème, constitué de septains strophes de sept vers dont les vers sont des alexandrins, on distingue deux différents interlocuteurs de Vigny. Tout d’abord, la Nature, dont le poète fait une véritable accusation, puis une femme que tente vraisemblablement de séduire Vigny. C’est peut-être Marie Dorval. Vigny accuserait-il la nature de la rupture avec l’actrice ? Pour répondre à cette problématique, nous développerons deux axes : Le caractère de la Nature et La relation entre Vigny et cette femme.

 

 

I- Le caractère de la Nature

 

Alfred de Vigny brosse au lecteur une sorte de face voilée de la Nature. Il exprime même une forme de dédain vis-à-vis de cette dernière en l’apostrophant dès le premier vers de cet extrait. Il utilise la redondance du verbe vivre « Vivez » « Et revivez sans cesse » « Vivez ».

La Nature est un élément dénué de sentiments « froide Nature ». Ce caractère est exprimé grâce à la présence des champs lexicaux de la mort « Sous nos pieds, sur nos fronts », « souffrances » et du mépris « dédaignez, humble ». Vigny met ici les défauts de la Nature en valeur. Outre le dédain expliqué précédemment, la Nature est décrite tel un despote « si vous êtes déesse » qui fait les lois et juge à tort et à travers les hommes. Le poète réutilise pour exprimer cela le mépris « Puisque c’est votre loi », « Plus que tout votre règne ». Même « les splendeurs » de la Nature sont « vaines ». Il conclut cette première strophe en prononçant l’accusation, comme lors d’un procès, « Vous ne recevrez pas un cri d’amour de moi ». Grâce à ce réquisitoire riche de jugements, de violence et de dédain, Vigny peut enfin traiter de son véritable but : valoriser l’homme. En effet, comme il le dit explicitement à la Nature, « l’homme dut vous être roi ». Vigny montre même la primauté de l’homme vis-à-vis de son interlocutrice en signifiant qu’il préfère « La majesté des souffrances humaines » plutôt que, nous pouvons le penser, la tyrannie de cette dernière.

Ce lyrisme accusateur est présent dans le reste du texte, mais est utilisé à des fins bien différentes. On remarque que Vigny ne s’adresse plus à la Nature dans les deux dernières strophes. Quel peut donc bien être ce nouvel interlocuteur.

 

 

II- La relation entre Vigny et cette femme.

 

Effectivement, la Nature n’est plus le principal interlocuteur de Vigny. Le poète débute sa troisième strophe avec la conjonction « mais toi». Pour savoir qui est ce « toi », il faut remonter quelques strophes plus haut, vers le début du poème où l’on se rend compte que « La Maison du berger » est une succession de paroles de Vigny à la Nature et … à une femme. Vigny fait ici des propositions à cette femme et lui demande son avis sur sa volonté de l’accompagner chez lui « Ne veux-tu pas, voyageuse indolente, rêver sur mon épaule, en y posant ton front ? ». « La maison roulante » est la maison traditionnelle du berger. Dans ce texte, c’est Vigny le berger qui propose à cette demoiselle de l’accompagner visiter sa maison, où bien d’autres sont passées avant et passeront après elle (v. 11). Il lui promet un bonheur incomparable car il avoue que les « esprits pur » l’inspirent. Il fait peut-être ici référence à la Charente où il avait trouvé une qualité de vie « Les grands pays muets longuement s’étendront ».

Vigny, dans la dernière strophe, rassemble les deux sujets traités précédemment. Vigny utilise une nouvelle fois un autre genre d’écriture. Après le réquisitoire, le lyrisme réel, il écrit cette dernière strophe en l’axant dans un univers onirique. Les deux personnages sont maintenant rassemblés face à la Nature. On note pour cela la récurrence du pronom nous. Vigny et la femme ne font plus qu’un, il y a presque une symbiose entre eux deux « Nous marcherons ainsi, ne laissant ici que notre ombre ». L’idée de l’ombre conforte l’idée de symbiose. Ils sont tous deux rassemblés pour surmonter le caractère de la nature « Sur cette terre ingrate où les morts ont passés ».

Cette phrase est un tournant de l’histoire car elle l’inscrit dans un registre noir, en témoigne la présence du champ lexical du malheur « ombre, ingrate, morts, sombre, effacé, incertaines, pleurant, taciturne, menacé ». Vigny souligne que l’équilibre évoqué des deux personnages est fragile « aux branches incertaines ». Le poète décide même de rappeler à la mémoire de la jeune fille, les morts engloutis par la Nature « Nous parlerons d’eux à l’heure ou tout est sombre ». L’instabilité et le rappel de la mort ont pour incidence les pleurs de la demoiselle qui pense à la menace qui pèse sur ses amours « Pleurant , comme Diane au bord de ses fontaines ». Vigny s’est ici inspiré de la diane pastorale de Shakespeare.

 

 

Conclusion :

 

Ce texte est, au premier abord, assez étonnant. En effet, il traite de sujet multiples, la Nature et une femme, qui n’ont pas véritablement de relations. Mais lorsque l’on s’intéresse d’un peu plus près à la vie de Vigny et de l’actrice Marie Dorval, l’on comprend un peu mieux ce texte. Après la mort de sa mère, Vigny eut du mal à se rapprocher de sa femme qui le quitta quelques mois plus tard. Vigny fait donc ici un réquisitoire contre la Nature qui lui à pris sa mère et sa femme.

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L
S'il y en a qui préfère ajouter de la complexité à la complexité grand bien leur fasse, quant à moi la simplicité me sied à merveille et je me retiens d'ajouter comme au plus beau des poèmes et laissons les perplexes à leur perplexité pour remercier l'auteur de cette belle analyse pour les 8 à ...(rappel de la maladie d'amour, intertextualité pour l'intercomplexité et l'interperplexité )
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L
Il ne l'est pas pour tout le monde décevant. Et s'il est pour certain puisse t-il être aussi certain que tout le monde aura bientôt à se réjouir de lire une analyse enrichie et pertinente. Car ce qui est décevant c'est la critique qui se limite à critiquer.
F
On peut distinguer dans certains cas la simplicité de la complexité et dans d'autres la platitude de la pertinence. Ce commentaire est décevant voilà tout.
F
Incroyable copie. Tout y est : le sens, l'énumération des exemples, la structure, la concision, le plan... Je ne regrette vraiment qu'une seule chose, c'est qu'il n'y aie pas marqué à côté du titre<br /> du site : "blog au service de la platitude scolaire des huit - douze ans."
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